L'Acte de peindre.
Daniel Cazes, Conservateur honoraire du Patrimoine.
Comme la vague répand l'écume sur la grève, comme le vent disperse les nuages alors même que le soleil les évapore, la peinture de Jean-Pierre Tachier-Fortin paraît d'abord insaisissable, tant elle se diffuse librement, sans autre limite que son support. Puis, lorsque le regard se fait plus attentif, plus inspiré par la volonté de s'ouvrir à tout, comme dans une prière, il découvre un tout construit, qui se joue à la fois de l'abstraction et de la figuration, sans renoncer ni à l'une ni à l'autre. Et, là, cette expression indivisible révèle une multitude de sens, non écrits, langage du peintre oblige, dits quand même grâce à un alphabet de couleurs, de mouvements et de traces profondément gravées, plus riche et subtil que celui des lettres. Mais, tel celui des écritures depuis trop longtemps disparues, il reste en partie indéchiffrable. Le tableau, désormais fixé, se prête pour longtemps au questionnement et à la délectation. C'est une oeuvre d'art.
Daniel Cazes.
描くという行為
ダニエル・カーズ(名誉学芸員)
波が砂浜に泡をまき散らすように、太陽が雲を蒸発させても風がその雲を四散させるように、ジャン=ピエール・タシエ=フォルタンの絵画は、初めは捉えがたいものと感じられる。基底剤以外にそれを区切るものはなく、いかにも自由に拡散するのだ。その後、注意深い眼差しを向け、祈りを捧げるときのように、あらゆるものに心を開こうという気になると、構築されたものすべてが目に映る。それは抽象と具象のいずれをもたやすく克服しつつ、そのどちらも放棄するわけではない。そしてここに、この不可分な表現が文字で記されたものとは異なる重層的な意味を示すのは、それが画家の言語によるからである。やはり、文字よりも豊かで繊細な色彩、動き、深く刻まれた筆跡というアルファベットのなせる業と言わねばなるまい。しかし、とうの昔に消え去った文字のように、解読できない部分が残る。今や定かな存在となったタブローは、これから長きにわたって問いかけと悦楽を受け入れる。それが芸術作品なのだ。
ダニエル・カーズ
Par Christian Péligry, Directeur honoraire de la Bibliothèque Mazarine, Paris.
De Paris à Gaillac, de Toulouse à Dublin ou Casablanca, l’acte de peindre chez Jean-Pierre Tachier-Fortin n’est autre que la mise en lumière, par touches successives, d’une idée, d’un rêve, d’une émotion qui sourd du plus profond de lui-même; il exprime l’émerveillement que suscite le spectacle de la nature ou d’une architecture urbaine, une transcendance, voire un acte de foi. Aux antipodes de ce « long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » dont parlait Rimbaud, l’acte de peindre révèle, ici, la sensibilité, la retenue et la sincérité d’un langage à la fois unique et universel, immédiatement perceptible, celui-là même qui a la fraîcheur de tous les matins du monde.
Christian Péligry.
クリスチャン・ペリグリ(パリ・マザラン図書館名誉館長)
パリからガイヤックへ、トゥールーズからダブリン、あるいはカサブランカへ、ジャン=ピエール・タシエ=フォルタンの描くという行為は、筆触の連なりによって、アイデア、夢、本人の奥深くから湧き上がる感情を明らかにする行為に他ならない。自然の情景や都市の建築、超越的な存在、はては信仰の証となる行為がかき立てる感動を表現しているのだ。ランボーが言う「あらゆる感覚の長く、大きな、考え抜かれた狂い」の対極に、描くという行為がここに示すのは、固有でありながら普遍的なすぐにそれとわかる表現様式、まさに世界各地の朝の爽やかさを湛える表現様式に備わった感性であり、慎みであり、率直さである。
クリスチャン・ペリグリ
Gaillac, Terre de réconciliation.
Par Molly Mine, critique d'art.
Beaucoup d'émotion face aux nouvelles toiles de JPTF, confrontées à d'autres plus anciennes, enfin réunies après son exposition à Toulouse et ses résidences à Casablanca et Gaillac, ville chérie entre toutes, où il a accompli un travail sur lui même impressionant. Il y a pensé sa peinture. Il y prend toute sa mesure. On y voit la vérité du peintre. Bouleversante. Il ose que, ensemble sur la toile, cela s'embrume, cela s'enflamme. L'eau rencontre le ciel. Le soileil se noie dans l'ombre. Le froid croise le chaud. Les extrèmes se touchent. Du bout du pinceau. Avec ce "naturel" que seul un véritable artiste peut atteindre. Surtout quand il accepte de délivrer tout ce qui lui est intime. C'est le moment d'une naissance ou d'une mort vécues en même temps. Quand tout se réconcilie. La vie, ultime, triomphe de toute. C'est cette force-là que le peintre parvient à capter, capturer peut être ? Sur sa toile, les formes s'estompent, embuées de larmes, pour revivre ou tenter de mieux être ou de disparaître. C'est l'être merveilleux. Celui que donne une respiration profonde, celle que JPTF s'accorde avant d'imposer l'infime touche qui donne tout sons sens à la toile qui n'a pas encore pris vie, posée sur le chevalet, en attente, en esprit.
On devine. On imagine. On espère ...
JPTF a dépassé les frontières : il n'est plus question de parler d'abstrait ou de figuratif. On est au delà. dans ce territoire que seul un vrai créateur peut faire naître, renouant avec le plus intime, le plus secret, le château de sa mère, où la vie et la mort le reconduisent aujourd'hui, où il parle à nouveau avec l'accent de ses origines. Dans ses toiles, la lumière est diffuse, discrète mais éclatante et totalement présente, comme immanente, parce qu'elle vient de l'intérieur, unissant hier à aujourd'hui pour toujours, ici. Posant, imposant celui qui peint et a trouvé son langage. Quand je vois dans ses toiles cette fleur-femme, ce visage aux grands yeux perdus, ces paysages d'arbres intérieurs, ces maisons qui se diluent dans le fleuve... Je me dit que Jean-Pierre sait parler, murmurer aussi. Vraiment. Parce qu'en tant que peintre, il a su formuler cette question existentielle : qu'ai-je à dire, à exprimer ?
Sa démarche est l'inverse du paraître, ce qui pour un art pictural pourrait sembler paradoxal. Mais pour lui, je pense, la peinture, c'est être. Totalement. Sincèrement. Profondément. Avec amour.
Molly Mine.
Caresses...
Par Jean-François Le Men, Collectionneur.
On connaîtrait très mal un peintre, par un simple regard sur un seul de ses tableaux : une toile n'est pas une entité fixe, une série pas plus, une oeuvre pas davantage. Une peinture, une suite de peinture, un rassemblement de peinture d'un même artiste valent par ce que nous y voyons mais tout autant par cet écart qui existe entre elles. D'où ce qu'une rétrospective donne a discerner dans chacune des toiles sélectionnées. Et ce qu'un accrochage suggère.
Des peintures de Jean-Pierre Tachier-Fortin j'en avais vues à la Fiac mais j'ai commencé à découvrir son travail lorsque, à son atelier, nous avons manipulé les toiles pour les juxtaposer. Alors sont venus ces écarts, si révélateurs d'un itinéraire.
Pourtant c'est l'émotions qui me saisit lorsque je regarde ces " Caresses" puisées dans les lumières du Tarn. Elles font ressentir, et l'univers du cérébral cède sous l'émotion. On aborde dans la douceur le monde du "Château de ma mère", celui des profondeurs et de l'origine. Celui d'un pays ou la palette colore le souvenir "des voix chères qui se sont tues". En forme de recueillement, de permanence, très loin de tout tapage.
Jean-François Le Men.
À l’assaut de la lumière.
Par Emmanuelle Outtier, Critique d'art, journaliste
Jean-Pierre Tachier-Fortin pose ses valises au Maroc, le temps d'une résidence, dans la lignée des peintres-voyageurs qui avaient fait du pays une terre de prédilection.
« Toujours aller voir ». Jean-Pierre Tachier-Fortin fait sienne Ia devise de I'Aéropostale, compagnie aérienne mythique des années 20, qui reliait Toulouse, sa ville natale, à Casablanca. À 66 ans, l'artiste connaît bien les itinérances artistiques, de New-York à Dublin, en faisant des escales à Paris pour la Fiac. C'est pourtant sa rencontre déterminante avec la galeriste Leïla Faraoui, il y a deux ans, qui lui permettra de poursuivre l'utopie secrète d'un cheminement plastique le long des lignes aériennes de I'Aéropostale. Ainsi, dans la lignée de ses illustres prédécesseurs - Matisse à Tanger, Majorelle à Marrakech ou encore Louis Morère pour Oùarzazate et le grand Sud -, le peintre toulousain pose pour la première fois son chevalet au Maroc.Jean-Pierre Tachier-Fortin peint "au plus près de [son] instinct". À l'image de son diptyque du boulevard Mohammed V de Casablanca, sa technique picturale confine à l'impressionnisme. Les énergiques traits de pinceaux semblent capter, dans une diffraction de la lumière, les mouvements imperceptibles de la ville.
Mille et une nuances de blanc.
L'homme est subjugué par les pulsions de vie de la capitale économique. Pourtant, on ne trouve guère, dans ses toiles, de fascination stéréotypée. Le peintre fronce sérieusement les sourcils à l'idée de s'inscrire dans une filiation orientaliste. Non, il estompe les détails, efface "l'anecdotique" dans lequel se niche la tentation de l'exotisme, pour mieux toucher, du bout de ses pinceaux, la lumière dans toute son abstraction. Matisse soulignait "l'obsession bleue du ciel marocain". Avec Tachier-Fortin, il y est plutôt question des mille et unes nuances de blanc, celles de la ville qui en porte les stigmates, Casablanca, celles de la poussière des foules et de ce soleil méridional qui insuffle en toute chose une vivacité ardente.
De ce blanc qui dilue les formes émergent ici et là, vifs, explosifs, des palmiers, flamboyante flore des villes marocaines que l'artiste prend un plaisir jubilatoire et tout personnel à peindre. N'en déplaise aux mauvaises langues qui y verraient un motif orientalisant. C'est peut-être même méconnaître la symbolique du végétal, associé, depuis l'antiquité, au mythe du soleil. La lumière, une fois de plus. À moins que les palmiers de Tachier-Fortin ne fassent écho à cette confession du célèbre pilote de l'Aéropostale, Antoine de Saint-Exupéry : "Dans ce climat neuf, je me sentais dans le ciel, dans ce sol, comme un jeune arbre". La boucle est bouclée.
Emmanuelle Outtier.
Critiques :
Des images qui inspirent des mots. Retrouvez ici quelques écrits autour des oeuvres de Jean‑Pierre Tachier‑Fortin.
批評:
言葉が生まれるきっかけとなるイメージ。ここに掲載されているのは、ジャン=ピエール・タシエ=フォルタンの作品をめぐって編み出された文章である。